Vendredi soir, le Stéréolux affichait complet. Et pour cause : la légende du gypsy punk Gogol Bordello était de passage à Nantes, accompagnée en première partie par la formation britannique Split Dogs. Une soirée fiévreuse et électrique, marquée par une communion intense entre scène et public.
Split Dogs : punk brut et tension maîtrisée
Dès 20h, Split Dogs entre en scène sans détour. Originaire de Bristol, le groupe livre un punk nerveux, frontal, sans concessions. Basse saturée, guitare abrasive, chant râpeux : tout dans leur set transpire l’urgence. Les morceaux, extraits notamment de leur dernier album Here to Destroy, s’enchaînent avec une efficacité redoutable. Pas de discours inutiles, juste des riffs bien sentis et une présence scénique qui accroche.

Le public nantais, d’abord en observation, se laisse peu à peu embarquer. Une poignée de pogos timides éclot au centre de la fosse. La salle, progressivement pleine, commence à vibrer. Une mission accomplie pour Split Dogs, qui a su faire monter la température sans artifice.
Gogol Bordello : une déflagration festive et politique
Quelques minutes plus tard, les lumières s’éteignent, la scène se remplit. Ils sont huit, neuf peut-être — violon, accordéon, percussions, guitares, cuivres. Et au milieu, l’inimitable Eugene Hütz, torse nu sous une veste ouverte, guitare en bandoulière, coupe en bataille et regard brûlant. Le show peut commencer.
Dès les premières notes, la salle explose. Gogol Bordello ne donne pas un concert : il déclenche un carnaval incandescent. Les morceaux s’enchaînent dans une folie contrôlée, entre punk, ska, dub, musique tzigane et rock alternatif. Le violon virevolte, l’accordéon s’emballe, la batterie martèle une transe collective.
Le public ne reste pas spectateur bien longtemps. Ça saute, ça chante, ça pogote gentiment. Les premiers rangs reprennent les refrains en chœur, les bras se lèvent, les corps ondulent. L’ambiance est euphorique, presque tribale. On danse, on crie, on transpire — et on oublie tout le reste.
Une fête habitée d’engagement
Mais derrière la fête, il y a le fond. Eugene Hütz ne manque pas d’adresser quelques mots graves sur la situation en Ukraine, ses racines, l’exil, la résistance culturelle. Ses paroles, chargées d’émotion, résonnent dans un silence presque religieux entre deux morceaux frénétiques. Chez Gogol Bordello, la fête est politique, et l’engagement se chante autant qu’il se vit.

Parmi les moments forts de la soirée : une version incendiaire de “Immigraniada (We Comin’ Rougher)”, un “Start Wearing Purple” hurlé par toute la salle, ou encore un rappel bouillonnant conclu dans un joyeux chaos sonore, les musiciens dansant sur scène comme en transe.
Un public conquis, une salle en feu
Le Stéréolux, toujours aussi précis en termes de son et de lumière, s’est montré à la hauteur de l’événement. Le public, mêlant fans de la première heure et curieux, a répondu présent avec ferveur. On ressort lessivés, euphoriques, le sourire aux lèvres, encore étourdi par l’énergie déployée.
Gogol Bordello, une fois de plus, a prouvé que la scène est son terrain de jeu naturel, et que sa musique, profondément vivante, est une célébration de la liberté sous toutes ses formes. Quant à Split Dogs, leur performance promet déjà un retour en tête d’affiche d’ici peu.
Une soirée à marquer d’une pierre rouge, où le chaos fut art, la sueur poésie, et le punk, une invitation à la danse collective. Nantes en redemande.


